
« La transformation positive de nos sociétés commence par le refus de
toutes les injustices, qui aujourd’hui cherchent leur justification
dans la “culture du rebut”, une maladie “pandémique” du monde
contemporain. » C’est ce qu’écrit le pape François dans un message
adressé au 8ème Forum social mondial des migrations organisées du 2 au
4 novembre 2018, à Mexico.
Le pape y encourage à « donner voix aux “sans voix” », citant « les
migrants, les réfugiés et les déplacés, qui sont ignorés, exploités,
violés et abusés dans le silence coupable de beaucoup ».
Il invite aussi à la collaboration « pour améliorer les accords
bilatéraux et multilatéraux dans le domaine migratoire, afin qu’ils
soient toujours au plus grand bénéfice de tous : les migrants, les
réfugiés, les déplacés, leurs familles, leurs communautés d’origine et
les sociétés qui les accueillent ». « Cela ne peut s’obtenir que dans
un dialogue transparent, sincère et constructif entre tous les
acteurs, dans le respect des rôles et des responsabilités de chacun »,
souligne-t-il.
Voici notre traduction intégrale de ce message pour cet événement
auquel participait le jésuite Michael Czerny, sous-secrétaire de la
Section « Migrants et Réfugiés » du Dicastère pour le service du
développement humain intégral.
Message du pape François
Chers frères et sœurs,Je vous remercie pour l’invitation qui m’a été
faite par les organisateurs du Forum social mondial des migrations à
vous adresser quelques paroles d’encouragement au début des sessions
de travail.
Le programme d’action de la huitième édition du Forum social mondial
des migrations rappelle la mission du prophète Jérémie, envoyé par
Dieu « pour arracher et renverser, pour détruire et démolir, pour
bâtir et planter » (Jr 1, 10). Comme au temps du prophète, aujourd’hui
il y a des méchancetés à arracher, des injustices à démolir, des
discriminations à détruire, des privilèges à renverser, de la dignité
à bâtir et des valeurs à planter.
La transformation positive de nos sociétés commence par le refus de
toutes les injustices, qui aujourd’hui cherchent leur justification
dans la “culture du rebut”, une maladie “pandémique” du monde
contemporain. Cette opposition se pose comme une première réalisation
de justice, surtout quand elle réussit à donner voix aux “sans voix”.
Et parmi ces derniers il y a les migrants, les réfugiés et les
déplacés, qui sont ignorés, exploités, violés et abusés dans le
silence coupable de beaucoup.
L’action transformatrice ne se limite pas cependant à dénoncer les
injustices. Il est nécessaire de trouver des modèles de solutions
concrètes et faisables, en éclaircissant les rôles et les
responsabilités de tous les acteurs. Dans le domaine migratoire
(migrer), la transformation (transformer) se nourrit de la résistance
(résister) des migrants, des réfugiés et des déplacés, et se sert de
leurs capacités et de leurs aspirations pour la construction
(construire) de « sociétés inclusives, justes et solidaires, capables
de rendre la dignité à tous ceux qui vivent dans une grande
incertitude et ne réussissent pas à rêver un monde meilleur » (Message
au Président exécutif du Forum économique mondial, 23-26 janvier
2018).
Ce forum se propose d’affronter sept axes thématiques directement liés
aux migrations contemporaines : droits humains, frontières, incidence
politique, capitalisme, genre, changement climatique et dynamiques
transnationales. Il s’agit de thèmes très importants, qui méritent une
réflexion attentive et partagée par tous les acteurs, une réflexion
qui cherche l’intégration des différentes perspectives, en
reconnaissant la complexité du phénomène migratoire.
Et c’est justement en raison de cette complexité que depuis deux ans
la communauté internationale s’est impliquée dans le développement de
deux processus de consultations et de négociations, qui ont comme
objectif l’adoption de deux pactes mondiaux, pour une migration sûre,
ordonnée et régulière, et l’autre sur les réfugiés. Comme contribution
à ces processus, la Section Migrants et Réfugiés [du Dicastère pour le
service du développement humain intégral, ndlr], sous ma direction, a
préparé un document, intitulé 20 Points d’actions pour les Pactes
Globaux, qui soutient une série de mesures efficaces et confirmées
qui, dans leur ensemble, constituent une réponse cohérente aux défis
qui se posent actuellement. Les 20 Points s’articulent autour de
quatre verbes — accueillir, protéger, promouvoir et intégrer — qui
synthétisent la réponse aux « défis posés à la communauté politique, à
la société civile et à l’Eglise » (Discours aux participants au Forum
Inte
rnational «Migrations et Paix», 21 février 2017), par le phénomène
migratoire aujourd’hui.
Beaucoup des principes déclarés et des mesures suggérées dans les 20
Points d’Action coïncident avec les déclarations que les organisations
de la société civile ont signées dans l’intention de contribuer au
processus lancé par les Nations unies en vue des Pactes Globaux. Les
coïncidences de principe et de mesure entre les 20 Points et les
textes finaux des Pactes sont importants.
Au-delà de leurs limites, que le Saint-Siège n’a pas manqué de
signaler, et de leur nature non contraignante, les Pactes Globaux
constituent«un cadre de référence pour des propositions politiques et
des mesures pratiques » (Message pour la Journée Mondiale de la Paix
2018, 13 novembre 2017). Comme pour n’importe quelle action de portée
mondiale, la mise en pratique des recommandations et des suggestions
contenues dans les Pactes Globaux demande la coordination des «
efforts de tous les acteurs, parmi lesquels, vous pouvez en être
certains, il y aura toujours l’Eglise » (Discours aux participants du
Forum International sur “Migrations et Paix”, 21 février 2017). A
telle fin j’espère pouvoir compter sur votre collaboration à tous et
sur celle des organisations que vous représentez dans ce forum.
La même collaboration est demandée pour améliorer les accords
bilatéraux et multilatéraux dans le domaine migratoire, afin qu’ils
soient toujours au plus grand bénéfice de tous : les migrants, les
réfugiés, les déplacés, leurs familles, leurs communautés d’origine et
les sociétés qui les accueillent. Cela ne peut s’obtenir que dans un
dialogue transparent, sincère et constructif entre tous les acteurs,
dans le respect des rôles et des responsabilités de chacun.
Je voudrais saisir cette occasion pour encourager les organisations de
la société civile et les mouvements populaires à collaborer à la
diffusion massive de ces points des Pactes Globaux qui vivent la
promotion humaine intégrale des migrants et des réfugiés — ainsi que
des communautés qui les accueillent —, en mettant en évidence les
bonnes initiatives proposées. Les organisations et les mouvements sont
invités à s’engager pour promouvoir une répartition de responsabilité
plus équitable dans l’assistance aux demandeurs d’asile et aux
réfugiés. Leur actions est en outre déterminante pour identifier
rapidement les victimes de la traite, en réalisant tous les efforts
nécessaires pour les libérer et les réhabiliter.
Je demande enfin l’intercession de la Vierge Marie, sous le titre de
Notre Dame de Guadalupe, afin qu’elle vous protège et qu’elle vous
soutienne de son aide maternelle dans vos activités en faveur des
migrants, des réfugiés et des déplacés.
Dieu bénisse votre travail dans les prochains jours.
Vatican, 26 octobre 2018
François

